Lorsqu’une entreprise procède à un licenciement, l’attention immédiate se tourne naturellement vers les personnes concernées par la décision. Toutefois, un autre impact, plus discret mais tout aussi déterminant, s’exerce du côté des employés qui demeurent en poste. Ceux-ci, souvent désignés comme les « survivants » dans la littérature en ressources humaines, peuvent se retrouver fragilisés, désorientés ou démotivés. Ils portent le poids du changement, parfois sans accompagnement adéquat. Pour les organisations, c’est un moment charnière où se joue la stabilité future.
Dans plusieurs organisations, on observe qu’une proportion importante des employés restants après une mise à pied traverse une période d’incertitude marquée par une baisse de repères, une perte d’engagement et un recul temporaire de la performance. Ces réactions ne sont pas inévitables. Un accompagnement réfléchi et bien dosé peut soutenir le rebond, autant sur le plan individuel que collectif.
Voici quelques pistes concrètes pour nourrir l’engagement des équipes qui restent.
Après un licenciement, il est fréquent que les employés se demandent : que se passe-t-il maintenant ? Quels sont nos objectifs ? Que devient mon rôle ? Ce type de flou, surtout s’il perdure, crée un effet de flottement qui nuit à la cohésion d’équipe.
Clarifier les attentes, actualiser les responsabilités et réaffirmer les priorités sont des gestes structurants. Une rencontre d’équipe dédiée, un plan de redémarrage ou des communications ciblées permettent de relancer l’action dans une direction commune. Certaines organisations constatent que revisiter collectivement la vision d’entreprise, même brièvement, permet de restaurer un sentiment de continuité.
Les gestionnaires n’ont pas toujours réponse à tout. Mais ce n’est pas une raison pour éviter les questions ou improviser des réponses rassurantes. Dans les périodes sensibles, le silence ou l’ambiguïté peuvent amplifier les tensions.
Nommer ce qui est su, ce qui est incertain, ce qui est en réflexion : cette démarche d’honnêteté renforce la crédibilité. Elle montre que la direction assume ses décisions et qu’elle demeure présente malgré la complexité. Ce type de posture apaise plus qu’on ne le croit, car il donne des repères là où il n’y en a plus.
Le départ de collègues, surtout s’ils étaient proches ou appréciés, peut générer un deuil réel au sein des équipes. La perte de repères, la culpabilité de rester, la peur d’être le prochain, ou simplement l’inquiétude liée à l’avenir sont autant de réactions légitimes.
Créer des moments de discussion en petit groupe, ouvrir des espaces informels d’échange ou prévoir du soutien individuel peut permettre d’exprimer ces émotions sans les banaliser. Ce type d’approche humanise la période de transition et envoie un signal clair : ce que vous vivez compte.
Les besoins ne sont pas les mêmes d’un employé à l’autre. Certains auront besoin d’un coup de main pour réorganiser leur charge de travail, d’autres de soutien moral, d’autres encore de perspectives claires pour se projeter.
Voici quelques gestes possibles :
Ce qui compte, c’est d’offrir du soutien sans l’imposer, et de créer des conditions favorables à l’initiative plutôt qu’un encadrement rigide.
Dans les semaines qui suivent une réduction d’effectifs, les équipes restantes sont souvent appelées à maintenir le cap avec moins de ressources. Dans ce contexte, reconnaître les efforts prend tout son sens.
Dire merci, nommer une contribution, souligner un geste d’entraide ou une prise d’initiative : ces attentions simples mais authentiques ont un effet direct sur le moral. Elles donnent aussi une reconnaissance symbolique à ceux qui tiennent le fort dans une période difficile.
En période de rupture, il est tentant de tout remettre à plat. Pourtant, les employés ont souvent besoin de continuité. Ce qui ne change pas est tout aussi important que ce qui change.
Réaffirmer les valeurs qui demeurent, rappeler la mission ou les façons de faire qui font partie de l’ADN de l’organisation, permet aux employés de se réapproprier un sens collectif. Cela peut passer par des gestes simples : maintenir un rituel d’équipe, célébrer une petite victoire, ou simplement prendre le temps de souligner ce qui reste solide.
Ce sont souvent eux qui sont en première ligne. Pourtant, ils vivent eux aussi les impacts de la réorganisation. Les équiper adéquatement est une forme de soutien indirect aux équipes.
Cela peut inclure :
Lorsque les gestionnaires se sentent soutenus, ils sont mieux placés pour faire preuve de clarté, d’empathie et de leadership dans leurs interactions.
Accorder de l’attention aux employés qui restent, c’est poser les bases de la prochaine phase de mobilisation. Ce n’est pas un geste de réparation, mais un choix stratégique tourné vers l’avenir.
Ce qui se joue dans les semaines suivant une mise à pied aura un effet durable sur la capacité d’une équipe à rebondir, sur la confiance envers l’organisation et sur la fidélité des talents. Prendre soin, c’est prévenir. Et prévenir, c’est diriger avec justesse.